samedi 1er décembre 2007, par Joël BLAIZE
Nous remercions l’éditeur du site www.actu-environnement.com qui nous a autorisé à reproduire ici dans son intégralité un article paru récemment sur ce site.
Les jachères au secours des abeilles
adresse de l’article original :
http://www.actu-environnement.com/ae/news/2042.php4
Afin d’enrayer la réduction des populations d’abeilles, un groupe d’agriculteur et d’apiculteurs ont planté des fleurs sur les terrains en jachère afin d’augmenter l’offre de nourriture aux abeilles. Les premiers résultats sont encourageants.
Depuis le milieu des années 1990, les apiculteurs sont confrontés à un dépérissement et une mortalité anormale de leur rucher qui a pour conséquence directe une perte de la production de miel. À plus grande échelle, ce dépérissement est susceptible d’avoir des conséquences sur les économies agricoles, horticoles et fruitières en raison des modifications éventuelles de la pollinisation, et in fine sur la santé humaine, en raison de la présence éventuelle de résidus toxiques dans les produits apicoles comestibles. Si tous les professionnels du monde agricole semblent d’accord sur ce point, ils le sont moins sur les causes de ce dépérissement. Ils s’avèrent que ce sujet est complexe. Il ne se réduit pas à la lutte médiatique des apiculteurs contre l’utilisation par les agriculteurs de produits comme le Gaucho ou le Régent. Plusieurs travaux confirment le caractère multifactoriel des causes d’affaiblissement des colonies d’abeilles domestiques, probablement sensibilisées par des aléas nutritionnels dus aux activités anthropiques : monoculture, large usage des herbicides, destruction des haies, fauchage précoce des végétaux à fleurs, etc. Le paysage agricole et urbain où l’abeille trouve ses besoins alimentaires en pollen et en nectar a énormément évolué en quelques dizaines d’années suite à la modernisation de l’agriculture et à l’urbanisation croissante. Toutes les nouvelles pratiques soumettent les abeilles à des alternances de surabondance et de pénurie de nourriture préjudiciables à leur résistance aux agressions climatiques ou aux parasites.
En se basant sur ce facteur nutritionnel, des agriculteurs et apiculteurs se sont regroupés au sein du réseau « Biodiversité pour les abeilles » pour tester et faire connaître un nouvel aménagement lancé dès 1992 par un apiculteur bio de la Montagne de Reims : la jachère apicole. Le principe est simple : planter des fleurs sur des terrains mis en jachère conformément à la Politique Agricole Commune (PAC) afin de proposer aux abeilles du nectar et du pollen plus varié, en plus grande quantité et sur une plus grande période de l’année.
Sur le plan réglementaire, la politique agricole commune a établie une série de règles définissant les possibilités d’utilisation des parcelles mises en jachère. L’ensemble de ces règles n’empêche pas les initiatives de jachères à intérêt apicole. Ainsi parmi les 35 espèces autorisées sur jachère, 17 peuvent présenter un intérêt apicole, dont 13 légumineuses, qui sont reconnues pour produire un pollen attractif et de bonne qualité. D’autre part, les possibilités d’utilisation des produits phytosanitaires sur jachères sont très limitées : fongicides et insecticides y sont par défaut interdits, et l’usage d’herbicides y est strictement encadré. De plus, l’interdiction de broyer pendant 40 jours n’est a priori pas un problème dans un objectif de production de nectar et de pollen par les jachères, avec une floraison la plus longue possible.
Ainsi, en 2005 et 2006, plusieurs expérimentations ont pu être menées dans le Loiret, basées sur le principe d’une comparaison entre deux ruchers. 27 ha de jachères à intérêt apicole ont été implantées dans l’environnement proche d’un premier rucher, dit rucher « jachères » sur la commune d’Orville, alors que l’environnement naturel du second rucher, dit « témoin », localisé sur la commune de Beaune-la-Rolande, n’est pas modifié. Les deux ruchers se situent dans la région naturelle du Gâtinais, dans un environnement floristique relativement semblable. Ils sont séparés d’une vingtaine de kilomètres, afin d’éviter la concurrence entre les abeilles des deux ruchers. L’objectif de l’expérimentation est de mesurer l’intérêt des jachères apicoles aussi bien sur le développement que sur la capacité de production de miel pour les colonies situées à proximité.
Un an après les premières implantations de jachères apicoles, le premier bilan est très encourageant. Les résultats montrent une augmentation de 7% de la production de miel dans les zones où les jachères apicoles sont implantées. Il semblerait que ces zones aient permis aux abeilles de mieux résister à la sécheresse 2006 car, dans des territoires similaires en termes d’environnement et de ressources pollinifères mais dépourvu de jachères apicoles, on constate des baisses de production de miel pouvant aller jusqu’à 35%. Une analyse du pollen récolté par les butineuses du rucher en jachère apicole a démontré la présence de pollens provenant des plantes mises en place sur les jachères comme la phacélie ce qui démontre que les abeilles se sont alimentées sur les jachères apicoles.
Une deuxième expérimentation a été mise en place dans la Meuse sur le même schéma. Un mélange de 5 légumineuses a été implanté sur une parcelle de 4,5 ha. Sur une autre parcelle d’environ 13 ha, différentes espèces à intérêt apicole non mélangées ont été semées. L’évolution et la production de deux ruchers comme à Orville, un rucher « jachères » et un « témoin » ont été suivies sur la saison 2006. Les résultats ne sont pas encore connus mais les apiculteurs sont confiants.
Ils attendent même des résultats encore plus probants pour 2007. En effet, en 2006, compte tenu des conditions climatiques, seule la phacélie a fleuri de façon significative sur la plupart des sites semés au printemps. Avec les pleines floraisons de sainfoins, mélilot et autres trèfles, l’impact positif des jachères sur les colonies d’abeilles sera donc vraisemblablement encore plus positif en 2007.
S’appuyant sur les nouveaux enseignements recueillis via l’ensemble de ses expérimentations pilotes, le Réseau Biodiversité pour les Abeilles continue de développer son expertise agronomique des jachères à intérêts apicoles. Selon lui, pour les apiculteurs qui bénéficient de ces jachères apicoles, la plantation de fleurs sur seulement 0,5 % de la surface contribuerait pour 68 % à la qualité du bol alimentaire des abeilles.
À ce jour, 26 départements ont implanté ce type de jachères représentant une superficie de 400 hectares. Chaque jachère s’étend sur des surfaces allant de 3 à 99 hectares suivant les régions.
F.LABY
Publiée le : 02/11/2006